Avortement : Réaction dans un CHU
« Ce qui est sage pour le monde est folie pour Dieu »(1Co 3, 19)
C'était un après-midi ordinaire de visites au CHU de Poitiers. Je suis appelé en urgence au bloc de
gynécologie. Après avoir passé les sas, l'infirmière me conduit vers la salle de soins pour y rencontrer le 'compagnon' d'une femme qui vient de subir une
IMG (Interruption Médicale de Grossesse). L'homme est là, prostré sur une chaise. Il porte quelque chose dans ses mains que je n'identifie pas immédiatement.
Je m'assois en face de lui. Il m'a fait demander et me reconnaît tout de suite à ma tenue. Son regard plein de larmes se plonge dans le mien et,
sanglotant : « Je suis un assassin ! Je suis un assassin ! ». Son accent chantant du sud ajoute à la tragédie... « Prenez-le ! », me dit-il. Et de me
donner le fœtus avorté, mort, enveloppé de langes. Stupéfait, je me retrouve avec ce petit d'homme dans mes pauvres mains de prêtre qui offrent la victime
sans tache à la Messe, bébé qui n'a pas eu le temps de voir le jour, petit trisomique qui avait sans doute eu le tort de l'être. Et je pleure avec cet homme
désemparé... Je pleure sur cet enfant que personne n'a su accueillir et aimer. Je pleure sur sa mère (que je verrai après) qui ne s'était pas senti la force
de le garder. Je pleure sur cet homme qui me répète qu'il est un assassin. Je pleure parce que je ne peux pas lui dire oui, parce que je ne peux pas lui
dire non. Je pleure sur le malheur d'une société qui ne sait pas recevoir les plus faibles de ses membres. Je pleure de colère parce que je revois mes
petits amis trisomiques qui sont des surdoués de l'affection et de la joie, et qui sont de plus en plus montrés du doigt parce qu'ils n'auraient pas dû en
réchapper et qu'ils coûtent cher à la société... Une faible lueur brille cependant dans ces ténèbres épaisses. Car là où le péché taraude la conscience
morale, un espace se dégage pour que le baume de la miséricorde vienne apaiser le mal insupportable.
Je suis en colère – j'espère d'une sainte colère - ! Je suis en colère quand les nouveaux convoyeurs de l'Achéron, auxiliaires de Charon, précipitent tant de
vies innocentes vers la mort. A qui fera-t-on croire qu'il est indifférent d'avorter ? Ont-ils rencontré vraiment ces jeunes femmes sous pression médicale,
affolées, abandonnées par leurs proches, qui savent bien qu'elles ne portent pas un amas de cellules mais leur enfant ? Savent-ils, au secret du confessionnal,
l'aveu de la vie gâchée de ces femmes (plus rarement de ces hommes), minées par le remord, 20, 30, 40 années encore après ! Loin de moi de juger quiconque
car j'ai vu de magnifiques chemins spirituels dont cette blessure guérie a été le déclencheur. Je ne juge pas plus les médecins et le personnel paramédical
souvent victimes d'un système avant d'être coupables. Mais on ne peut pas en dire autant des fossoyeurs de la vie, des fossoyeurs de l'amour, des fossoyeurs de
la tendresse gratuite. Entre les franc-maçons, infatués de leur idolâtrie de puissance, qui veulent modeler un homme nouveau sans Dieu et les faux-écolos qui
défendent les embryons de baleines et de tigres et méprisent ceux des hommes, entre les jouisseurs moutons de Panurge et, osons le dire, les faux-frères
(cf. 2Co 11, 26) de notre propre Eglise Catholique qui sont autant d'idiots utiles (si chers à Lénine) qui servent d'alibi aux déconstructionnistes de notre
société, il y a de quoi être en colère. Et demain, vont-ils nous pondre l'euthanasie des enfants comme en Belgique ? Ou bientôt celle des personnes handicapées
mentales qui pèsent au budget de la Sécu, pendant qu'on y est ? Finira-t-on par accepter le clonage humain ? Et pourquoi pas les chimères (croisement entre
homme et bête) ? Même l'ONU s'y met et fait pression sur le Saint-Siège pour qu'il change le droit canonique et le Catéchisme sur le mariage homosexuel,
l'avortement et la contraception. Pourquoi pas leur donner un blanc-seing universel pour donner bonne conscience à toutes les turpitudes de la planète ?
« Reviens, Seigneur, ils sont devenus fous ! ». Mais nous prions ardemment pour tous ces frères pour qu'ils se laissent toucher par la lumière d'en-haut. Nous
n'avons de haine pour personne. Cependant, il est grand temps de faire la révolution, de se rebeller pour une révolution de l'amour. Et ce n'est pas moi qui le
dit, mais notre Pape François lui-même aux JMJ de Rio.
Honneur, en revanche, à ceux qui ont le courage de s'opposer à ce rouleau compresseur de l'athéisme pratique et égoïste ! Honneur aux hommes politiques qui
osent se démarquer de l'appareil de parti pour faire entendre la voix de la raison contradictoire ! Honneur aux chercheurs et aux battants qui affrontent
l'hydre mortifère pour défendre les plus faibles ! Honneur à ceux qui ne s'autojustifient pas et viennent puiser à la source de la miséricorde ! Honneur aux
familles dont le cœur est assez large pour accueillir la vie blessée malgré les conditions de plus en plus culpabilisantes de notre système de culture de
mort ! Honneur à cette jeune femme admirable et courageuse que j'ai accompagnée à la sépulture de son petit mort in utero, lâchée par son copain et les siens,
désespérément seule devant ce petit cercueil blanc ! Honneur aux parents du petit bonhomme dont je vous parlais dans la newsletter de Noël ! Côme, baptisé et
confirmé, est reparti vers son Seigneur après un beau combat d'un mois, entouré de l'affection gratuite et désintéressée de ses merveilleux parents qui peuvent
compter désormais sur un petit saint dans la famille. Dans ce monde d'intérêt, de calcul égoïste, de jouissance sans encombre, du fric roi, il y a encore de la
place pour l'amour généreux, pour le don de soi à l'autre sans condition. C'est cette Bonne Nouvelle que nous voulons sans cesse annoncer, contre vents et
marées !
Chers amis de CathoFamiLink, jusqu'à quand aurai-je encore la liberté de vous écrire tout cela ? Jusqu'à quand pourrons-nous dire l'évidence de la réalité
sans tomber sous le coup de la loi ? Mais quand bien même on nous ferait des procès, on nous torturerait, on nous mettrait en prison et même on nous
tuerait, les faits finiront toujours par s'imposer. « Dieu pardonne toujours. L'homme pardonne parfois. La nature ne pardonne jamais ». Quand on cite cette
parole du Pape François, il faut bien en mesurer la portée et ne pas la tronquer. L'homme égaré dans son idéalisme d'une humanité parfaite sans Dieu
devient fou alors qu'il se croit sage. Il est urgent de prendre à bras-le-corps le réel tel qu'il est et de créer les conditions d'accompagnement conformes
à la dignité de tout homme. On ne soigne pas la maladie en éliminant le malade. On ne vient pas à bout du handicap en supprimant les handicapés. De nos
vieux en les euthanasiant. La qualité d'une société se reconnaît à la manière dont elle s'occupe des plus faibles de ses membres. L'Eglise Catholique le
dira toujours, quoi qu'il en coûte. Et encore le Pape François : « Fréquemment, pour ridiculiser allègrement la défense que l’Église fait des enfants à
naître, on fait en sorte de présenter sa position comme quelque chose d’idéologique, d’obscurantiste et de conservateur. Et pourtant cette défense de la
vie à naître est intimement liée à la défense de tous les droits humains. Elle suppose la conviction qu’un être humain est toujours sacré et inviolable,
dans n’importe quelle situation et en toute phase de son développement. Elle est une fin en soi, et jamais un moyen pour résoudre d’autres difficultés »
(Evangelii Gaudium, n° 213).
La force des méchants se nourrit de la lâcheté des bons. Un peu de folie donc pour aller à l'encontre du conformisme ambiant qui nous tue à petit feu.
« Car ce qui est sagesse pour le monde est folie pour Dieu » et « si quelqu'un parmi vous pense être sage à la façon de ce monde, qu'il devienne fou pour
devenir sage» (1Co 3, 19.18). Chers amis, il en va de notre avenir, il en va de la sauvegarde de l'humanité, il en va de la pérennité de l'amour. Debout !
La vraie folie de Dieu pour les hommes, c'est la Croix assumée de son Fils (cf. 1Co 1, 17), sagesse porteuse de la vraie vie, Sagesse qui s'est livrée à la
mort pour que tout homme vive, du plus innocent rejeté au pécheur le plus obtus, également aimés d'un Amour infini.
abbé Philippe-Marie